1
/ La désignation des
dirigeants sociaux
a)
Les limites à la liberté du
choix
Tout
le monde ne peut pas faire partie
de la direction d'une société.
A
titre d'exemple, on peut retenir :
- l'administrateur
de SA ne doit pas être interdit d'activité commerciale par la justice
(bien que
n'étant pas lui-même commerçant). Il ne peut être fonctionnaire,
parlementaire,
officier ministériel ou auxiliaire de justice
- l'administrateur
de SA ne doit pas être un mineur non plus.
- pas
plus d'un tiers des membres d'un même conseil d'administration (CA) ne
doit
avoir plus de 70 ans (sauf dispositions contraires)
- plus
généralement une personne physique (es qualité ou en
tant que
représentant d'une personne morale) ne peut appartenir à plus de 5 CA
ou
Conseils de Surveillance à la fois.
- le
Président du Conseil d'Administration (PCA) de la SA doit être une
personne
physique, ne pas être agé de plus de 65 ans (les statuts peuvent
prévoir autre
chose), être membre du CA et respecter la règle de cumul des mandats
- le
Directeur Général (DG) de la SA est soumis aux mêmes conditions sauf
celle
relative à la qualité de membre du CA qui n'est pas obligatoire
- les
membres du Directoire (régime calqué sur celui du DG) : pas plus de 65
ans, que
des personnes physiques, pas besoin en principe d'être des
actionnaires, ne
peuvent être membres du Conseil de Surveillance et pas plus d'un poste
de
membre du Directoire sur le territoire français
- les
membres du Conseil de Surveillance (régime calqué sur celui du CA) :
ils doivent
être actionnaires, ne pas avoir plus de 70 ans pour les 2/3 d'entre eux
(sauf
dispositions contraires) et ils ne peuvent être membres du Directoire
- le
gérant de la SARL doit être une personne physique, possédant la
capacité
commerciale (sans être lui-même commerçant). Il peut être associé ou
non,
aucune limite d'âge n'est posée et la règle du cumul ne s'applique pas
b)
Dirigeant personne physique
ou personne morale ?
Une
personne morale peut être
administratrice d'une SA ou membre d'un Conseil de Surveillance : la
personne
morale doit désigner en revanche une personne physique pour la
représenter.
Cette personne physique est soumise aux mêmes obligations que les
personnes
physiques administratrices es qualité.
En
revanche, une personne morale ne peut
être ni au Directoire, ni PCA, ni gérante de SARL.
c)
Publicité de la désignation
Après
la nomination par l'organe
compétent (par exemple : l'AG pour les administrateurs de SA, le CA
pour le PCA
et le DG de la SA, le CS par l'AG, le Directoire par le CS et le Gérant
par
l'AG), il faut procéder à la publication de la désignation.
Les
tiers doivent être avertis de la
nomination mais aussi de la révocation ou de la démission des
dirigeants. Elle
sera assurée par les voies habituelles : JAL, RCS, BODACC.
2
/ Les pouvoirs des dirigeants
sociaux
a)
Sur le plan interne
Les
organes de gestion ont tous
pouvoirs pour diriger la société dans l'intérêt de celle-ci.
Il
y a :
- les
missions traditionnelles de chef d'entreprise
- le
dirigeant est également le représentant juridique de la société : c'est
lui qui
est habilité à la représenter en justice, par principe
La
différence avec les associés est
que le contrôle du dirigeant est quotidien là où celui des associés
n'est
qu'épisodique.
Néanmoins,
les pouvoirs des dirigeants
ne sont pas absolus. Ils doivent respecter :
- les
prérogatives des autres organes, comme les assemblées (pour approuver
les
comptes ou modifier les statuts)
- les
statuts qui peuvent leur interdire certains actes ou leur imposer de
recueillir
au préalable l'accord des associés ou de tel organe (par exemple
:vendre le
fonds de commerce, souscrire un emprunt dépassant un certain montant)
- l'objet
social
- 'intérêt
social
Le
dirigeant qui violerait ces limites
s'expose à :
- une
sanction politique (sa révocation par l'assemblée générale par exemple)
- une
sanction juridique (il peut engager sa responsabilité civile)
b)
Sur le plan externe
Le
tiers avec lequel contracte le
gérant n'est pas nécessairement informé des clauses statutaires de
limitation
de pouvoir du dirigeant. Plusieurs cas sont à distinguer.
Le
dirigeant peut dépasser l'objet
social
dans ce cas il convient de distinguer les société à risque limité des
autres
(société civile ou SNC par exemple).
Quand
le risque est limité
la société est engagée vis à vis du tiers quand bien même l'acte
dépasserait
l'objet social. La sanction du dirigeant sera purement interne.
Attention ! Le
tiers doit être de bonne foi, c'est à dire qu'au moment de contracter
il doit
ignorer que l'acte dépassait l'objet social... A ce titre il convient
de noter
que la seule publication des statuts ne suffit pas à qualifier la
mauvaise foi
du tiers (il faut rapporter la preuve que le tiers avait la
connaissance
effective au moment de contracter du dépassement de l'objet social).
Quand
le risque est illimité,
les dirigeants n'engageront la société que pour les actes ne dépassant
pas
l'objet social. Dans ce cas là, seule la responsabilité du dirigeant
indélicat
pourra être engagée.
Le
dirigeant peut violer une clause statutaire
de limitation de ses pouvoirs
: une telle clause est réputée
inopposable aux tiers. Il n'est pas nécessaire de s'interroger sur sa
bonne ou
mauvaise foi : quand bien même le tiers aurait eu connaissance de la
clause, on
ne pourra la lui opposer. L'acte sera valable. La société pourra en
revanche
engager la responsabilité civile du dirigeant en cas de préjudice.
Le
dirigeant peut violer l'intérêt
social
: il s'agit de la passation d'actes à des fins étrangères au but défini
par
l'acte constitutif. C'est le cas de l'acte passé dans le seul intérêt
du
dirigeant... Dans ce cas, c'est sur le terrain de la nullité du contrat
qu'il
faudra se placer, outre l'éventuelle action en responsabilité contre le
dirigeant.
3
/ Les responsabilités des
dirigeants sociaux
a)
La responsabilité civile
La
responsabilité des dirigeants peut
d'abord concerner leurs rapports avec la société ou les associés.
Les
manquements en question peuvent
être :
- la
violation des dispositions légales ou réglementaires
- la
violation des statuts
- la
faute de gestion (le comportement du gérant non conforme à l'intérêt
social)
Il
y a tout d'abord pour réparer le
préjudice de la société, l'action ut universi : le
dirigeant social
représentant la société en justice, c'est lui qui agira devant le
tribunal. Il
s'agit de l'hypothèse où le nouveau dirigeant se retourne au nom de la
société
contre l'ancien dirigeant. En revanche quid du cas
où le dirigeant n'a
pas changé ?
L'action
sociale ut singuli permet
de résoudre cette difficulté : chaque associé peut exercer cette
action, quand
bien même il ne disposerait que d'une seule part sociale ou action
(possible
dans toutes les sociétés).
Cette
action étrange se justifie par
son caractère conservatoire et subsidiaire.
Conservatoire,
car elle vise à
protéger le patrimoine social des conséquences néfastes de l'action de
ses
dirigeants.
Subsidiaire,
car c'est après avoir
constaté la carence à agir des dirigeants qu'elle peut être exercée.
L'action
est faite au nom de la
société et cette dernière doit être partie à l'instance (appelée dans
la
cause). Il peut être utile de demander la désignation d'un mandataire ad
hoc.
Pour
protéger cette action rare (elle
coute à l'associé et ne lui rapporte rien personnellement), la loi
interdit :
- toute
clause subordonnant l'action à une autorisation ou un avis de
l'assemblée
générale
- toute
clause de renonciation à l'exercice de cette action
- que
le quitus donné par une assemblée fasse obstacle à cette action
Enfin,
l'associé peut avoir un
préjudice personnel (qui suppose la faute détachable des fonctions) du
fait des
agissements des dirigeants. Ce préjudice doit être distinct de celui
subi par
la société (comme le détournement par la société des dividendes
revenant à cet
associé). En revanche tel n'est pas le cas de la dépréciation de la
valeur de
ses titres (relève de l'action social : le préjudice personnel n'étant
qu'un
corrolaire du préjudice de la société).
La
responsabilité peut également
concerner les tiers
: cela suppose l'existence d'une faute détachable des fonctions (à
l'instar des
fonctionnaires les dirigeants ne répondent pas de la simple faute de
service).
La
Cour de Cassation définit ainsi
cette faute : « la responsabilité du dirigeant à
l'égard des tiers ne
peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses
fonctions […] Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement
une faute d'une gravité particulière incompatible
avec l'exercice normal
des fonctions sociales ».
Par
exemple :
- une
SARL mandatée pour vendre une voiture de sport à laquelle on avait bien
dit que
le gérant ne pourrait l'utiliser que pour des démonstrations. Suite à
un
déplacement personnel et un accident, la faute détachable des fonctions
du
gérant a été retenue et ce dernier a été condamné
- le
dirigeant qui participerait à des actes de contrefaçon de manière
active et à
son initiative
Cela
ne signifie pas que le gérant qui
agit dans ses fonctions ne peut avoir de problèmes. S'il a commis une
faute de
gestion, la société qui a été condamnée à payer peut se retourner
contre lui
nonobstant l'absence de faute détachable (en pratique action ut
singuli
des associés ou ut universi de la nouvelle équipe).
Par
ailleurs, agir au pénal, est
intéressant : la chambre criminelle ne retient pas la distinction sur
le caractère
détachable ou non s'agissant de l'action civile.
b)
La responsabilité pénale
Le
dirigeant peut être reconnu
personnellement responsable pénalement d'une infraction.
Il
existe des qualifications spéciales
dans les sociétés à risque limité (SARL et sociétés par actions) :
présentation
de comptes infidéles, abus de biens sociaux... Des interdictions de
gestion
peuvent être prononcées.
Dans
les autres sociétés, il n'existe
pas de délits spécifiques mais le droit commun s'applique (avec des
infractions
telles que l'abus de confiance).
La
responsabilité de la personne
morale est un principe maintenant consacré par le Code Pénal.
En
revanche, un dirigeant condamné
personnellement ne pourra mettre à la charge de la société le paiement
des
amendes : il s'agirait d'un abus de biens sociaux ou d'un abus de
confiance.
Par
ailleurs, en tant que chef
d'entreprise, le dirigeant social a une responsabilité en matière de
droit
pénal du travail (travail dissimulé), du droit pénal fiscal (la fraude
fiscale), ...
Pour
écarter la responsabilité du chef
d'entreprise en de telles hypothèses, on peut rapporter la preuve d'une
délégation de pouvoirs valable à une personne disposant de la
compétence, de
l'autorité et des moyens nécessaires pour accomplir les tâches. Auquel
cas, ce
sera elle qui sera poursuivie.
c)
La responsabilité fiscale
Les
dirigeants peuvent être condamnés
au paiement des dettes sociales que la société n'aurait pas payée en
cas de
manoeuvre frauduleuse ou d'inobservations graves et répétées de leurs
obligations fiscales.
d)
La responsabilité en cas de
procédure collective
Le
dirigeant peut engager sa
responsabilité,
dans le cas où par sa faute ou son manque de diligence, il a amené la
société
jusqu'au dépôt de bilan.
Le
Tribunal peut, en effet, décider de
faire supporter « en tout ou partie par tous les
dirigeants de droit ou
de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de
gestion » les dettes de la société.
Cette
faute peut être d'action
(témérité, démesure dans les projets, entêtement dans une situation
désespérée
[le fait de ne pas avoir déposé le bilan]) ou d'omission (défaut de
surveillance, absence d'études avant de se lancer, absence de
comptabilité
analytique).
Les
sommes recouvrées sur les
dirigeants iront dans le patrimoine social de la liquidation et seront
réparties entre créanciers (après déduction des frais de justice).
Pénalement,
le dirigeant
peut être poursuivi du délit de banqueroute.
L'article
L654-2 du Code de Commerce
le définit :
« En
cas d'ouverture
d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire,
sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l'article L.
654-1
contre lesquelles a été relevé l'un des faits ci-après :
1°
Avoir, dans
l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la
procédure de
redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit
fait des achats
en vue d'une revente au-dessous du cours,
soit employé des moyens
ruineux pour se procurer des fonds ;
2°
Avoir
détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur ;
3°
Avoir
frauduleusement augmenté le passif du débiteur ;
4°
Avoir tenu
une comptabilité fictive ou fait disparaître des
documents comptables de
l'entreprise ou de la personne morale ou s'être abstenu de tenir toute
comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation ;
5°
Avoir tenu
une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des
dispositions légales.
La
banqueroute
est punie au maximum de 5 ans d'emprisonnement et de 75.000 € d'amende.